Erzèbeth arrive en trombe au volant d’une sublime VW Golf VI GTI anthracite dans le parc enneigé et glacé de Lómilendë. Faisant vrombir le moteur de la puissante voiture avec sauvagerie elle s’arrêta dans un sublime dérapage contrôlé. La comtesse sortit de la coupée sportive avec grâce et se dirigea d’un pas sans appel vers les ruines occultant la base. Un soldat s’occuperait de ranger la dernière acquisition de la noiraude dans les garages prévus à cet effet. Le retour de la désormais « Cruelle Comtesse de Glace » fit son petit effet. De nombreux membres de la base détournèrent consciencieusement leur chemin de celui de la Générale. Après son petit « tour de force » en Islande presque tous les journaux du monde – du moins dans les pays encore en possession d’une liberté de presse - s’étaient violemment attaqués à la Comtesse. On l’avait désigné de « sanguinaire », « tyrannique », « digne descendante de sa terrible aïeule », « sans cœur », « despotique » […]. Les pays alliés à Sliven s’en étaient bien évidemment donnés à cœur joie, utilisant « l’événement islandais » comme modèle mondial ; incitant tous les peuples à se liguer contre cette terrible femme qui n’était autre que la représentation de l’OMDHS. Déjà que si Erzèbeth n’avait pas été sous le maléfice du gel cœur ces attaques l’auraient laissé de glace ; le mélange dudit enchantement et de la personnalité déjà froide de la finnoise faisait couler les persiflèrent de la presse mondiale à l’encontre de sa personne comme de l’eau sur une statue de marbre.

Tout au long de son voyage en Islande, Erzèbeth était restée en contact avec la lieutenant Santa Cruz qui effectuait sur ses ordres une mission capitale. L’espagnole avait réussi avec brio la conquête du Costa Rica et était sagement retourné à la base 2304-Z. La comtesse stoppa le premier homme qu’elle croisa et d’une voix froide lui ordonna.

"-Trouvez-moi et envoyez moi la lieutenant Santa Cruz immédiatement. Dites-lui que je veux la voir."

Puis sans attendre une quelconque réponse la finlandaise continua sa route. Enfin elle atteignit son bureau. Elle poussa la porte et y pénétra. Très vite elle étala de nombreux dossier, sortit plusieurs cartes et se mit à l’œuvre. L’Islande appartenait désormais à L’OMDHS, interdisant à Sliven l’accès à l’Europe. Il en était de même pour le Costa Rica. La prochaine cible de la Générale ? Astana. La capitale kazakh était dans le sillage de la nécromancienne pour des raisons stratégiques qu’elle seule connaissait. Son plan ne connaitrait pas l’échec. La lieutenant Santa Cruz s’était déjà montrée compétente et dépourvue de scrupules ; c’était la combinaison parfaite. Sliven n’avait que trop duré.

La nordique se mit à écrire à une vitesse affolante un rapport complexe. La mission « Quartier Lointain » allait commencer ; elle serait le début de la déchéance de Sliven. On frappa à la porte de son bureau. Une belle brune fit son entrée. C’était la première fois que la Générale voyait la lieutenant espagnole en chair et en os. Elle était plus petite qu’elle. Elle dégageait de l’assurance. Craignait-elle la nécromancienne ? Qui sur cette planète ne craignait pas cette terrifiante femme ? Elle-même s’était trouvée pour plus grande ennemie sa propre personne. Désormais bien au-delà de ses considérations, la magicienne devenue anormalement insensible prit la parole de son systématique ton neutre.

"-Lieutenant Cruz. Asseyez-vous."

La femme obéit. Erzèbeth lui jeta le dossier intitulé « Quartier lointain ». L’élémentaliste l’attrapa avec adresse et prit connaissance de ce que le nordique avait bien voulu lui laisse. Prochaine mission : conquête du Kazakhstan.

"Des questions ?"

La belle espagnole s'affala sur son modeste lit. Il était moins dur que dans ses souvenirs. Cette fois elle aurait le temps de défaire paisiblement ses bagages et de s'ennuyer. Et surtout de se remettre de ces décalages horaires. Quand soudain on toqua à la porte. Qui osait? L'espagnole se leva, fonça sur la porte et aurait congelé d'un regard son interlocuteur si celui-ci, rapide, n'avait pas parlé avant qu'elle n'agisse.

Sofía fronça les sourcils. La Comtesse. LA Comtesse Erzèbeth Nàsdy Bàthory et anciennement Macchi voulait la voir. Sofía claqua la porte, se changea très rapidement, se maquilla légèrement et se recoiffa. Se regardant dans le miroir, elle se demanda quelle était la raison. Mais pour une élémentaliste qui maniait la glace et le froid, rencontrer l'Impériale Reine incontestée du froid était un véritable honneur. La belle brune bouillait paradoxalement d'excitation. Elle se dirigea, fière et flattée, vers le bureau de la Générale. Elle toqua et entra, la tête haute de sa mission réussie avec succès. Son impression fut vite faite. La Générale inspirait de la crainte, magnanime et froide, mais beaucoup de respect. Mais quelque chose la rendait inhumaine aux yeux de la gitane. Non pas la taille ou la différence d'origines. Un petit élément en elle, en sa voix, troublait l'élémentaliste. Elle s'assit conformément à la demande de sa supérieure et attrapa le dossier qu'elle lui envoya.

L'ouvrant, elle allait de surprise en surprise. Elle lui ordonnait d'aller au Kazakhstan. Sofía prit cela comme une flatterie. Si elle se voyait confier pareille mission, c'est que la Générale avait apprécié ses actes. Cela lui semblait normal, mais elle était habituée à se voir jugée sur ses méthodes peu orthodoxes. Elle savait que tôt ou tard elle devrait envoyer aux roses les réprimandes d'un supérieur faible qui lui reprocherait l'assassinat de civils innocents au Costa Rica. Mais la Comtesse en décidait autrement.

L'élémentaliste lisait les quelques détails et s'informerait de la situation auprès de ses meilleurs atouts, le Département de l'Information. Il faudrait qu'un jour elle les rencontre. Mais plus tard. Le Kazakhstan n'allait pas tarder à recevoir une visite qui changerait son histoire. Et Sofía fut heureuse de se rappeler que ce pays était montagneux et donc un terrain aisé pour elle. De véritables vacances.

Au lointain la voix de la lieutenant lui parvint. Qu’avait-elle dit ? Soudain la nécromancienne fut assaillie par une vague de chaleur. C’était terriblement désagréable. Le regard perdu, mort la comtesse resta silencieuse. La bête s’était remise à grogner au fond d’elle. Sans raison. Apportant avec elle torrents de feu et hurlements internes infernaux. Alors qu’en apparence la nordique était plus immobile qu’une statue il se déroulait une féroce bataille en son sein. Impitoyable le sortilège de Gel Cœur fit à nouveau se taire cette étrange créature qui devenait de plus en plus faible mais parvenait encore à se faire entendre de temps à autres. Déstabilisée quelques instant, la finlandaise se ressaisit.

"Vous avez toutes les forces que vous désirez à votre disposition. Pas de chichis. Une fois que vous franchirez cette porte vous foncerez vers le Kazakhstan et vous les rallierez de gré ou de force à notre cause. Je n’ai rien d’autre à ajouter. Allez-y."

Sans un mot de plus l’espagnole se leva avec grâce, inclina la tête avec respect et se retira. Erzèbeth fixa la porte derrière laquelle disparut la lieutenant durant quelques secondes. La machine était lancée. Le téléphone sonna. La noiraude décrocha le combiné, on lui annonça que son jet était prêt. A peine arrivait-elle à la base qu’elle la quittait. Cette guerre n’avait que trop duré, elle et tant d’autres avaient sacrifiés tant de choses. C’en était assez.

La nordique raccrocha et quitta à son tour son bureau. Très vite elle atteint la piste de décollage où l’attendait un hélicoptère qui l’emmènerait au plus vite jusqu’à l’aéroport international de Dublin où elle prendrait son jet en direction d’Oslo. La comtesse de glace allait frapper un grand coup. Parallèlement à ce qu’elle préparait, Sofía allait – en son nom – assujettir et purifier le Kazakhstan, de là l’OMDHS aurait un accès aisé à toute l’Eurasie, l’Asie et l’Afrique. Sliven atteignait la fin de son règne. Pourtant en son sein même quelque chose luttait avec acharnement. Une étrange créature faite de feu. Un halo de lumière. Une source de chaleur. Une puissance que le Gel Cœur avait toutes les peines du monde à faire taire définitivement.

Episodiquement des vagues frappaient, désagréables et puissantes. Erzèbeth refusait de se l’avouer mais l’évidence était là : elle savait très bien qui était cette créature qui lui dévorait les entrailles. Il fallait qu’elle se hâte de mettre ses plans à exécution avant de ne plus en être capable. Le temps pressait. Toute personne qui se mettrait sur son chemin ; elle l’éliminerait sans pitié.