Malgré le soleil qui brillait en ce milieu d'après midi, il faisait terriblement froid. Cassandre resserra son écharpe autour de son cou en s'asseyant sur un banc. Elle n'avait pas particulièrement envie de visiter l'intérieur du château qui lui semblait être un incompréhensible labyrinthe. C'était donc tout à fait logiquement qu'elle s'était rendue dans le parc, pour se changer les idées.

Rien à faire, sa chambre l'oppressait. Elle sentait l'angoisse monter tandis qu'elle restait sans rien faire dans cette pièce blanche, impersonnelle, aseptisée, et n'avait plus qu'une seule envie : se jeter par la fenêtre. Bien heureusement, une protection l'en empêchait. C'est par conséquent en empruntant les escaliers qu'elle s'était rendue à l'extérieur.

La descente des escaliers l'avait confortée dans sa pensée première : l'endroit avait tout d'un labyrinthe. Avec son sens de l'orientation typiquement féminin, elle n'avait aucune envie de s'y frotter pour le moment... Peut-être rencontrerait-elle ici quelqu'un qui l'aiderait à s'orienter dans les couloirs de l'établissement. Peut-être serait-il plus facile pour elle de devenir amie avec quelqu'un qui serait aussi dérangé qu'elle, songea-t-elle en souriant amèrement.

Elle sortit son téléphone de sa poche sans réel espoir : rien. Elle avait envoyé un message à son père après être arrivée, lui confirmant que le trajet s'était bien passé. Trois jours plus tard, son géniteur ne semblait toujours pas l'avoir trouvée assez digne d'intérêt pour lui donner une réponse, si courte soit-elle.

Elle poussait la neige du bout du pied quand quelqu'un approcha pour prendre place auprès d'elle.

Cassandre sursauta. Elle était perdue dans ses pensées et n'avait pas entendu les pas de la femme. La neige les avait sans doute amortis. Elle regarda l'étrange trentenaire qui lui tenait désormais compagnie.

A la vue de sa tenue de sport et de sa respiration saccadée, elle comprit qu'elle venait de courir. Quelle drôle d'idée, par un froid pareil. Impossible de dire s'il s'agissait d'une patiente ou non. Quel respect devait-elle accorder à cette personne, se demanda-t-elle. Voilà qui commençait mal pour elle.

- Bonjour.

Elle avait répondu timidement, elle hésitait toujours sur la façon dont elle devait accueillir la femme.

# Si tu ne lui demandes pas, tu ne sauras jamais.

Après avoir pris une grande inspiration, elle se jeta à l'eau.

- Vous... êtes une patiente ?

Si elle ne l'était pas, Cassandre espérait qu'elle ne se vexerait pas ! Quelle bourde. Elle aurait dû poser la question autrement. Demander si elle était infirmière. Quoi que si elle était plus gradée, elle pouvait toujours mal le prendre. Enfin, ce n'était pas pire que de la traiter de patiente, comme si elle avait l'air folle... Cassandre était paniquée à l'idée d'avoir dit quelque chose qu'il n'aurait pas fallu. Gênée, elle redirigea son attention sur le bout de ses chaussures, de jolies bottines fourrées dans lesquelles elle n'avait jamais froid, et recommença à faire de petits tas de neige.

# Et voilà, bravo Cass tu t'es plantée.

Elle se mordit la lèvre, elle était gênée. Cassandre regardait la femme qui lui tenait compagnie à la dérobée, elle n'osait plus relever la tête. Allait-elle la réprimander ?

Elle dit une formule et Cassandre sursauta une nouvelle fois en entendant les clones tomber. Elle se retourna juste à temps pour les voir s'effondrer. Elle s'étonna de ne pas les avoir remarqué plus tôt. La femme devait être élémentaliste, se dit-elle. Elle-même se considérait comme une piètre nécromancienne. Elle ne fit aucune remarque quant au sort utilisé pour ne pas avoir à avouer ses lacunes à l'inconnue.

La femme se présenta. Horreur ! Il s'agissait de la pharmacienne en chef. Quelqu'un d'important. Elle venait de manquer de respect à quelqu'un d'important. Sa respiration s'accéléra.

# Calme. Reste calme...

- Cassandre Lechat, se présenta-t-elle. Je viens d'être admise dans le service 1...

Pourquoi avait-elle dit ça ? Elle ne voulait pas que la femme sache ce dont elle souffrait. Surtout pas. En lui disant le service dans lequel elle était, c'était certain elle venait d'avouer tous ses problèmes ! Elle aurait voulu ne plus jamais avoir à prononcer le moindre mot, seulement la politesse exigeait d'elle qu'elle remercie la pharmacienne pour ses compliments. Elle se força à reprendre la parole.

- Merci. Je n'aime pas particulièrement le froid mais la neige, c'est magnifique.

Parler de la pluie et du beau temps, quoi de plus ennuyeux. En plus de la savoir folle, elle allait la trouver inintéressante. Cassandre avait totalement éclipsé le fait que le sujet avait été abordé par son interlocutrice et non par elle-même.

De Santa Cruz la surprit alors en lui souriant et lui souhaitant un joyeux Noël.

# Quelle femme étrange.

- Merci, joyeux Noël à vous aussi Madame.

Quelle tarte ! Elle avait déjà oublié le nom complet de celle avec qui elle parlait. Une lueur de panique dans les yeux, Cassandre attendit. La femme allait-elle s'en aller, était-ce là une façon de prendre congé ?