Au loin déjà Lómilendë apparait, imposante. Le taxi le laisse à l’entrée du parc, Hannibál sort en silence de véhicule, prend sa valise, règle le coursier et le regarde s’en aller avant de se retourner pour fixer, immobile, l’hôpital. Le retour du fils prodigue. Un mystérieux sourire étira ses lèvres, fines et pâles.
Sa petite escapade à l’étranger n’était pas passée inaperçu, il le savait. Le dragon l’attendait de pied ferme. Elle avait des questions. Ça tombait bien, il avait des réponses. En attendant, il était de bonne humeur. La toile se tissait, doucement mais sûrement, ficelant son plan à la perfection. Son voyage hors de l’hôpital lui avait apporté bien plus qu’il n’aurait plus l’espérer. Le paquet lui serait envoyé sous peu. Il s’agissait maintenant de faire profil bas.
Le neuropsychologue se mit en marche. Il savoura le calme ambiant, uniquement troublé par le crissement de ses pas dans la neige. Soudain il s’arrêta net. L’état de semi-conscience auquel il s’était laissé aller pour profiter de la nature avait ouvert ses sens. Quelqu’un se trouvait dans les parages. Pas n’importe qui. Il se dégageait de cette personne une aura particulièrement tourmentée, macabre même. Il ne lui fallut que quelques secondes de plus pour reconnaître Stein.
Et effectivement, il repéra le patient à quelques centaines de mètres afféré à manger goulûment ce qui semblait être un lapin. Le Hongrois se dissimula derrière un arbre sans chercher à se soustraire totalement à la vue du cannibale. Il l’observa avec fascination dévorer la petite créature, peau et os compris, incapable de détacher son regard de la scène.
Une fois son repas fini, Bernd sembla humer l’air à la recherche de quelque chose… ou quelqu’un ? De toute évidence il devait certainement avoir senti la présence du nécromancien. Hannibál regarda l’anthropophage déambuler, l’air hagard en direction de l’hôpital lorsqu’une idée lui traversa l’esprit. Une pièce de plus à rajouter à son puzzle.
Il sortit de sa cachette et d’un pas assuré alla à la rencontre du patient. Une fois à sa hauteur il le salua, placide.
Guten Morgen Herr Stein. Vous avez passé de bonnes fêtes ?
A force de truisme et de trivialité le sombre neuropsychologue préparait déjà ses prochains coups. Son plan ne pouvait souffrir aucune faille et tous les atouts devaient être de son côté.