Jamais Karell ne se serait douté que lorsqu’il avait quitté la base quatre jours auparavant dans le but de retrouver Yezekaël ou du moins sa trace il découvrirait que l’élémentaliste de renom était mort. Ses recherches qui l’avaient mené jusqu’à Lübeck dans le nord de l’Allemagne l’avait conduit jusqu’à un recoin glauque de la ville là où sans crier gare une horde d’esprits l’avait agressé lui hurlant inlassablement que « le plus grand des élémentalistes avait été assassiné. » Complètement sous le choc Karell avait immédiatement contacté d’une seule traite toutes les bases d’informations de l’OMDS de par le monde lançant un appel d’importance capitale qui demandait l’envoi immédiat de toute information concernant Yezekaël Adrazar. Dans l’heure, l’Informateur reçut une bonne centaine de renseignements provenant des bases de Hong Kong, Paris, Bruxelles, Berlin, Hambourg, Anvers, Toulouse, Málaga, Tallin, Turku, Oslo, Amsterdam, Boston, Graz […] mais les informations les plus récentes sur l’ancien directeur de Lómilendë remontaient à plus de 2 ans. Depuis Mai 2022 il n’y avait plus aucune nouvelle de l’allemand, ce dernier semblait s’être littéralement évaporé. Ou pour être plus exact : Yezekaël Adrazar avait quitté ce monde.

Un frisson parcouru l’Equatorien. Qui pouvait bien avoir réussi à abattre le plus grand élémentaliste de son temps ? L’homme qui n’avait perdu qu’un seul et unique duel : celui qui l’avait opposé une quinzaine d’année auparavant à la nécromancienne Erzèbeth Nàsdy. S’il y avait bien une chose dont Karell était certain c’est que celui qui avait fait ça devait assurément être très doué, où ils avaient dû s’y prendre à plusieurs. Le noiraud avait également vu de quoi Yezekaël était capable et il savait que sa réputation de feu le meilleur élémentaliste il la méritait.

Karell se devait d’informer la Générale Tsukiyo de sa découverte dans les plus brefs délais, aussi se rendit-il à la base d’Information de l’OMDS la plus proche à Copenhague où il utilisa le Hall Astral. Cette merveilleuse invention permettait à tous les chamanes de quadrupler leur pouvoir de projection astrale les rendant ainsi capable de se projeter sur de très longues distances. Karell put donc apparaitre dans le Hall Astral de Lómilendë qui détecta sa présence et relaya automatiquement l’information au département de l’Information de la base qui informa de suite la Générale Tsukiyo qui, heureusement, se trouvait à Lómilendë. Karell patienta quelques minutes puis Vanina débarqua dans le Hall, elle semblait un peu essoufflée. Quelle idée aussi de placer le Hall Astral tout en haut de la Tour Ouest et la base dans les sous-sols pensa le sud-américain. Karell salua poliment sa supérieure d’un bref signe militaire puis s’exprima le plus calmement possible.

-J’ai des informations capitales sur Yezekaël Adrazar. Mes recherches m’ont mené à Lübeck où il avait en son temps de la famille, mais une fois arrivé dans la ville j’ai été … informé de …

Karell marqua une pause. Il n’était de loin pas le genre de garçon à faire dans le dramatique ou à exagérer les choses, de plus il ne tenait pas spécialement à Yezekaël et la dernière fois qu’il l’avait vu remontait à plus d’une décennie. Cependant il avait peur. Réellement peur. Se dire qu’un mage de l’envergure de l’allemand avait pu être assassiné emplissait l’Informateur d’Effroi. Karell reprit d’une voix moins assurée.

-Yezekaël Adrazar aurait été assassiné. J’ai tout de suite lancé un appel de masse à tous les autres départements de l’Information de l’OMDS. Les dernières traces de Monsieur Adrazar remontent à plus de deux ans.

L’Equatorien se tut. Il ne s’en rendait pas bien compte, mais il venait de lâcher une bombe. Une telle information ne serait pas sans conséquences.

La chamane vaquait tranquillement à des occupations administratives lorsque brusquement on vint la prévenir que l’informateur Corera s’était projeté au sommet de la Tour Ouest avec soit disant d’importantes nouvelles. Vanina en était certaine, les informations ne pouvaient que concerner son ex-collègue Yezekael et l’urgence de la requête laissa entendre à la chamane que ses pires craintes était fondées. Faisant preuve de la plus grande rapidité dont la nippone était capable, celle-ci se jeta dans une course effrénée jusqu’au sommet de la Tour Ouest. Essoufflée par cet effort physique, elle atteignit finalement le Hall Astral. Il est vrai que la japonaise appréciait particulièrement la hauteur, cependant la situation géographique du Hall Astral n’était vraisemblablement pas des plus pratique pour arriver rapidement à destination alors que d’importantes nouvelles étaient prêtes à tomber.

D’un regard déterminé et d’un geste rapide de la tête, la Générale intima le jeune informateur de lui faire son rapport. La bombe du chamane tomba ; Yezekael Adrazar, le plus grand élémentaliste de son temps, avait été vraisemblablement assassiné. La nouvelle bien que partiellement attendue par Vanina lui ajouta un poids sur le cœur. Le lien qu’elle ne ressentait plus depuis tout ce temps était donc réellement lié à la mort de Yezekael, cependant, la japonaise avait espéré que la mort serait naturelle ou de nature accidentelle. L’assassinat ouvrait la voix à toutes sortes de présuppositions et plus particulièrement à toutes sortes de théories concernant Sliven. Mais qui avait été assez puissant pour anéantir Yezekael ? Vanina avait éprouvé beaucoup de ressentiments à propos de l’ex-directeur qui ne s’était pas manifesté à son appel, mais il semblerait que celui-ci n’ai pas eu le choix. La Générale reprit ses esprits et observa Karell qui semblait perdre quelque peu ses moyens devant la grandeur de cette information. La chamane afficha un sourire compréhensif.

« Vous n’avez pas à vous faire tant de soucis. Cette nouvelle est, certes, d’une envergure considérable, mais n’oubliez pas que Yezekael Adrazar selon mes informations ne devaient plus être aussi puissants qu’il le fut jadis. »

Vanina n’était pas réellement rassurée par ses propres propos, mais espérait de tout cœur que le jeune homme ne serait pas trop affecté par la situation. La nouvelle n’était pas de son ressort et il n’avait pas à souffrir d’inquiétudes supplémentaires. La chamane restait, quant à elle, maîtresse de la situation et gardait un visage impassible. Elle continua :

« Avez-vous d’autres informations concernant l’identité possible ou probable du meurtrier ? Ou toutes autres informations utiles ? Si ce n’est pas le cas je vous prierais de rentrer à la base. Il faut que je parle de la situation à mes collègues pour que nous décidions de la démarche à adopter vis-à-vis de toute cette affaire. Et je vous prierais de continuer la petite mission secrète pour laquelle je vous ai mandaté. »

La chamane était à présent prête à repartir, sauf si l’informateur avait de nouvelles informations à transmettre à sa supérieure.

Consciente qu’une lente et toxique panique s’emparait de Karell, la chamane trouva les mots pour lui mettre du baume au cœur. En effet, l’Equatorien avait lui-même eut vent plusieurs fois que Yezekaël pour une obscure raison avait perdu de son splendide et de sa force. Il se disait que la guerre l’avait usé et rapiécé et que sa volonté et son esprit n’avait pas tenu le choc. Quelque peu réconforté, Karell sentit sa respiration se calmer. Lorsque Vanina lui demanda s’il connaissait l’identité du meurtrier il répondit avec une assurance partiellement retrouvée.

-Je suis catégorique, c’est un membre de Sliven, mais je ne connais ni le nombre ni l’identité du ou des présumés assassins.

L’information pouvait sembler évidente mais le chamane ne voulait laisser planer aucun doute. Après tout Yezekaël aurait très bien pu avoir engagé un énième duel dans un club et avoir payer de sa vie par une défaite. L’hypothèse aurait été probable. Cependant dans le brouhaha des esprits les mots : « meurtre » et « sliven » avaient été très clairement énoncés. Comme l’Equatorien ne possédait aucune autre information capitale il resta muet et approuva silencieusement lorsque sa supérieure lui demanda de revenir au plus vite à la base 2304-Z.

Après un dernier salut militaire le noiraud coupa la projection astrale et réintégra son corps à Copenhague. Sans perdre de temps il ordonna à deux informateurs de la base de rester sur le dossier Yezekaël et d’informer le département de l’info de Lómilendë au moindre renseignement, puis il prit un taxi à direction de l’aéroport Kastrup.

A peine 6 heures après sa conversation avec la Générale Tuskiyo, Karell était à bord d’un avion privé de l’OMDS qui le ramenait en Irlande. Au-delà du meurtre de Yezekaël, ce qui inquiétait réellement le chamane c’était la logique qui se cachait derrière l’assassinat de l’ancien directeur. Dans un ordre logique les prochaines victimes seraient les deux générales restantes Erzèbeth Nàsdy et Vanina Tsukiyo, puis, évidemment le coordinateur. Karell n’était pas sans savoir que les têtes des deux générales avaient toujours été mises à prix par Sliven et que le camp opposé désirait ardemment leurs chutes, mais ce qui inquiétait particulièrement l’Informateur c’était que la mission avait abouti en ce qui concernait Yezekaël, et le noiraud ne voyait aucune raison que celui ou ceux qui avaient tué l’allemand ne réussissent pas à faire de même avec la finlandaise et la nippone. D’autre part Karell se devait d’informer dès son retour le lieutenant Adelsohn qu’Ambroise – dont il assurait la sécurité – courrait un redoutable danger.

Soucieux de se changer un peu les idées Karell tira un carnet d’un dossier qu’il avait posé sur le siège vacant à sa droite, il en sortit une liste qui contenait les noms et prénoms de tous les membres de la base 2304-Z qu’il se devait d’examiner pour le compte de la générale Tsukiyo. Son cœur se réchauffa lorsqu’il lui des noms qui lui étaient familiers : « Cathena Lynisse, Valandra Yroko, Liam Macchi ». A la vue du nom de la grecque le cœur du latin se serra légèrement. Chaque fois qu’il pensait à la nécromancienne de caractère une autre nécromancienne lui venait à l’esprit : Cassys Key. Doucement une profonde tristesse s’empara de l’informateur qui se jura qu’à son retour il trouverait un instant pour exposer lui aussi une requête à Vanina Tsukiyo.