Ivan se réveilla en sursaut en entendant un cri. Il releva immédiatement la tête et ouvrit ses yeux et tourna la tête dans tous les sens. Il s'était endormi dans l'Auditorium, sur son livre ouvert et posé devant lui sur la table. Ouvert à la page "L'effet des chrysanthèmes sur les esprits", le jeune chamane s'était endormi lors de la lecture de ce livre, Dialogue avec les esprits, aides par les plantes, qui lui semblait très intéressant mais particulièrement compliqué et ennuyant.
Il se passa la main sur le visage et se frotta les yeux avec la paume de la main gauche. Son esprit était embrumé. La lueur de sa lampe torche lui brûlait l'iris. Mais il ne s'en inquiétait pas. Il cherchait l'origine de cette clameur. Puis un mal de crâne lui fit comprendre. Il porta toute son attention à son rêve qui l'avait dérangé. Il voulait s'en souvenir, il était tellement étrange, et ce cri glacial était en fait l'oeuvre de son imagination. Ivan joignit les mains et ferma les yeux.
Le flou se dissipa peu à peu dans son esprit. Il entendait le bruit de l'eau et du remous. La mer. Il surfait sur les vagues d'Australie. C'était agréable, il sentait les embruns et la vitesse sur son visage, le soleil luisait. Puis soudain il fut emporté par une vague immense qui le déposa au bord d'Uluru. L'immense masse rouge semblait lumineuse et inquiétante. Ivan marcha sur les murs avant de se retrouver d'un coup au sommet. Il comtemplait un paysage déserticque, vraiment vide. Il n'y avait rien, l'horizon était flou. Il entendit un bruit et se retourna. Il voulut crier mais aucun son ne sortit. Face à lui se tenait son père, quelque peu décharné et comme moisi. Il lui parla, mais Ivan ne comprenait pas les sons qu'il émettait, puis sa mâchoire tomba sur le sol. Ivan ferma les yeux et les rouvrit. Son père était désormais fleuri, recouvert d'herbes, et tenait un gouvernail sur Ayers Rock qui voguait vers une île.
-Nous arrivons en Irelande, tu reconnais la maison de ta mère?
Ivan voyait au loin le château de Lómilendë se dresser face à lui. Il était entouré d'esprits et de morts. Tous le regardaient ou hochaient la tête. Le jeune russe leva les yeux, au sommet d'une tour se tenait sa mère. Elle avait une allure fantasmagorique.
-Alors finalement tu es morte....
Ivan se tenait face à elle au sommet. Elle était droite, presque rigide. Chacun de ses traits était précis, très détaillée. Elle souriait très simplement, au garde à vous. Ivan sentit une larme perler sur sa joue à la vue de l'esprit de sa mère, si beau, si précis. Trop précis pour un fantôme, ou pour un souvenir....
Une photo. Elle se tenait identique comme l'image d'une des photos que son père chérissait lors du trajet en train en Russie. S'en rendant compte, il baissa les yeux. Il en était comme ... soulagé. Une main releva son visage. Son père, avec un aspect quelque peu flouté, lui souriait.
-Ivan...n'entends tu pas?
Une clameur surgit autour de lui. Un esprit l'assailli. Il hurlait en anglais avec un terrible accent australien.
- C'est terrible! C'est terrible! Un meurtre! Elle l'a tué! Dans les salles de secours! Elle l'a tué!
-Non c'est faux! Le chat l'a sauvé! Il est de retour! Il est venu de son époque pour nous!
Un autre esprit s'était interposé, criant également, mais avec un accent anglais un peu vieillot. Ivan était perdu. Un esprit lui montra une salle d'hôpital, blanche, avec ses nombreux appareils. Soudain il en fit suinter un liquide rougeâtre. Un miaulement strident retentit dans sa tête. C'était ce qui l'avait réveillé.
Le russe ferma le livre. Il n'avait rien compris. Les esprits avaient voulu lui transmettre quelque chose, lui raconter un évènement. Mais il n'en comprenait pas la significations, et ignorait quels symboles étaient importants. Et sa mère...qu'y faisait-elle? Un étrange sentiment le parcourut. Il avait l'impression que quelque chose de très étrange s'était produit, de suffisament important pour affoler les esprits alentours. En même temps, Ivan ne pensait qu'à sa mère. Il avait pensé à elle avant de s'endormir, il se demandait pourquoi il refusait toute communication avec elle, pourquoi ne pas juste tenter d'appeler son esprit?
Il serait ainsi fixé. Il saurait. Mais il avait peur. Peur de perdre son espoir. Mais il allait devoir battre et vaincre cette peur. Il ferait cet appel, coûte que coûte. Auparvant, il demanderait conseil à un chamane expérimenté pour être sûr que son sort fonctionne correctement. Vaniva? L'un des informateurs? Bref, il s'y intéresserait plus tard. Maintenant il fallait chercher sa chambre. Son lit l'appelait.
Le jeune russe quitta l'Auditorium et s'engouffra dans les couloirs glaciales et sombres de Lómilendë.
Ven 30 Déc 2011 - 18:50