Il était en pleine nuit et l'obscurité de la cafétéria désertée voilait la présence de Stein qui était assis à une table près de la baie vitrée qui donnait au parc. N'importe qui aurait jugé ce silence nocturne oppressif. Mais pour l'allemand, l’absence complète des bruits l’apaisait. Stein toucha son front avec son index gauche. Quoique ce geste lui apportât un bref soulagement, Stein se sentait livré à ses propres compulsions qui taraudaient son intérieur. Essen, pensa-t-il en se rendant compte qu’il était venu à la cafétéria afin de trouver quoi manger.

Stein se toucha de nouveau au front. Avait-il vraiment pensé qu’on lui allait offrir de la nourriture à une heure aussi tardive ? Absurde.  Cette preuve de déraison préoccupait Stein, d’autant plus que récemment les incidents où sa pensée est abandonnée de toute logique se sont accumulés.Inquiet, Stein toucha son front.

Soudain il s’aperçut qu’il n’était plus seul dans la salle. En tournant la tête vers l’entrée de la cafétéria, il discerna à peine la silhouette d’une autre présence. Hunger. Plein d’espoir Stein comprit que sa faim féroce serait peut-être bientôt apaisée. Son estomac grommela alors même que Stein se hasarda à accueillir l’arrivant(e) :

Comme souvent, Hannibál qui s’était plongé dans ses lectures n’avait pas vu le temps passer. Lorsqu’il se décida enfin à arrêter de lire, la plupart du château était tombé dans la léthargie qui lui était si spécifique lorsqu’il se vidait de la plupart du personnel qui retournait à leurs foyers respectifs. Pas lui, sa maison c’était Lómilendë, comme pour la centaine de patients qui y séjournait. Certains y mourraient même. Malgré l’heure avancée, le neuropsychologue n’était pas fatigué. Sa fascination pour la bâtisse et le manque de sommeil l’intimèrent donc à entamer une balade nocturne. Avant de quitter son appartement il se munit de son Ipod, il vissa consciencieusement ses écouteurs dans ses oreilles, monta le volume et se lança dans le dédale de couloirs et d’escaliers qui s’offrait à lui. Il ne prendrait pas l’ascenseur.


Every breath you take, every move you make, every bond you break, every step you take I’ll be watching you. Every single day, every word you say, every game you play, every night you stay, I'll be watching you. Oh can't you see you belong to me? How my poor heart aches with every step you take.


Langoureuse, sombre et envoutante, la reprise de Chase Holfelder du classique de The Police accompagna les déambulations du nécromancien. Son projet avançait, il se concrétisait. Des petites embûches étaient venues parcourir son cheminement mais au final, il progressait. Inopinément, il avait vu ses desseins se modeler au fur et à mesure que les jours et les expériences se succédaient. Il prenait un autre visage, plus sombre.


Après près d’une heure passée à arpenter Lómilendë, la même chanson en boucle, il atteignit la cafétéria. Il se stoppa net et enleva ses écouteurs. Il apercevait quelqu’un dans l’obscurité. Première âme qu’il croisait. La pâle lumière lunaire éclairait faiblement la silhouette de ce qui semblait être un quinquagénaire qui, soudain, s’adressa à lui. Hannibál, lentement et en silence, s’approcha de l’inconnu. Il s’assit en face de lui et toujours sans piper mot le dévisagea. L’homme ne sembla nullement sans formaliser et soutint son regard. Périodiquement, il touchait son front de son index. Après plusieurs minutes de silence, le hongrois répondit.




Le nécromancien joint ses mains avant de poursuivre sur le ton apathique qui le caractérisait tant.




Une des nombreuses raisons qui avaient attiré Hannibál dans le monde de la psychiatrie c’était sa spécificité. Loin des conventions mondaines qu’il passait son temps à respecter, le monde des aliénés était comme une bouffée d’air frais où tout était différent et possible.
 

L’étrange individu se présenta comme s’appelant uniquement « Stein ». A cette pensée Hannibál se délecta intérieurement de temps d’ironie. Il trouvait ce bonhomme bizarre. Qu’est-ce que l’anormalité ? Surtout dans un hôpital psychiatrique ? N’était-il pas lui-même passablement atteint ? Dans le noir, il esquissa un sourire. L’homme avait éveillé sa curiosité. « Et je mange… tout ». Cette caractéristique pourrait se révéler fort utile, ouvrant la porte à des centaines de possibilités. Un rapide coup d’œil lui permet de voir qu’il appartenait au service 4. Pour le reste, il attendrait de se retrouver dans son bureau pour glaner d’autres informations.

Il s’apprêtait à laisser l’énergumène pour continuer ses déambulations lorsque soudain une idée folle le prit. Il venait de trouver la solution à un problème qu’il ruminait depuis plusieurs jours. Pour s’assurer que la mise en œuvre de son plan était faisable, il continua la conversation avec l’homme en quête d’assurances quant à son idée.

Hannibál, avide de connaître la réponse, s’était légèrement rapproché du malade, le fixant avec insistance.