Nauséeuse et perdue Selena reprit doucement connaissance. Que s’était-il passé ? Elle se rappela vaguement Arkann et Kate, l’inconnu et puis une explosion. D’où était-elle venue ? Qui l’avait provoquée ? Et les autres, comment allaient-ils ? La noiraude voulut se redresser mais tous ses membres lui faisaient mal. Petit à petit elle émergea complètement de l’état de semi-conscience dans lequel elle était. Elle reconnut Adean penchée sur elle. Lorsqu’il remarqua qu’elle était à nouveau plus ou moins opérationnelle il lui demanda de but en blanc ce qu’elle faisait là-bas, sur un ton agressif. Passablement désorientée, elle ne répondit pas tout de suite. Plus doucement elle reprit en lui rappelant qu’il était responsable d’elle et apparemment de ses actes. Il ne voulait pas que quelque chose lui arrive. La nécromancienne le dévisagea. L’homme était un mystère.

Alors qu’elle allait répondre, Selena se remémora soudainement les informations qu’elle avait trouvées sur Hannibál étaient inquiétantes. Si Arkann avait raison à son sujet ils auraient besoin de toute l’aide à leur disposition.



Le chef de service haussa un sourcil l’incitant à s’expliquer. La nécromancienne hésita une dernière fois brièvement avant de se lancer.



La Finno-Hongroise tenta de scruter le visage d’Aedan à l’annonce de cette nouvelle en quête d’indices mais le contrejour du plafonnier l’en empêcha. Contrariée, elle poursuivit.



Selena fouilla dans sa poche pour en tirer son natel. Elle constata au passage qu’il avait souffert de sa chute. Elle le tendit à Aedan qui put y lire l’article qu’elle avait trouvé une petite heure auparavant.

Huffington Post - UK a écrit:

Le Dr Hannibál Masaryk, frère de la notable Roszá Masaryk qui servit sous les ordres directs de la Générale Nàsdy et également connu pour avoir enseigné à la London Metropolitan University, vient de faire recourt à la cour européenne des droits de l’Homme après avoir été interdit d’exercer dans son pays natal. C’est la plus haute instance judiciaire hongroise, la cour suprême à Budapest, qui vient de rendre ce jugement. C’est d’ailleurs dans la capitale hongroise que le Docteur en psychologie avait ouvert un cabinet privé dans le cours de l’année passée. C’est d’ailleurs une simple querelle administrative à ce propos qui a mené les autorités de la ville à découvrir le pot aux roses.

En effet, le neuropsychologue qui revenait de nombreuses années à l’étranger n’avait pas encore reçu l’autorisation formelle de pratiquer alors qu’il recevait déjà des patients dans son office située dans les quartiers du VIII district. Lors de la rédaction de l’avertissement formel qui lui était destiné, il semblerait que les autorités soient tombées sur des faits pour le moins inquiétants le concernant. Ils découvrirent que le nécromancien, qui avait émigré très tôt avec sa famille au Royaume Uni, eut une vie professionnelle mouvementée, rythmée de renvois plus suspects les uns que les autres de pas moins de 6 universités. En s’intéressant plus encore à la pratique qu’il tenait déjà à Budapest, bien que non détenteur d’un permis de travail, la police mit le doigt sur bien d’autres bizarreries encore.

Aucun communiqué officiel n’a été publié mais il s’agirait d’histoires de violation des codes de déontologie de la psychologie et de la nécromancie. La question se pose donc inéluctablement de savoir ce qu’a fabriqué le Dr Masaryk au long de ces années pour être remercié une demi-douzaine d’universités et être interdit d’exercer en Hongrie.

Curieuse, la nécromancienne attendit en silence une réponse de son supérieur.

Des soupçons... à l'égard de Masaryk ? D'où pouvaient venir de tels soupçons chez un patient de son service ? Amargànt n'avait rencontré qu'une seule et unique fois le neuropsychologue comment était-il possible qu'il se doute de quoi que ce soit ? Soit ce type était un génie à l'intuition surhumaine, soit il était complètement abruti et paranoïaque. Aedan opta pour la deuxième option.

Le problème était qu'il avait fait part de ses soupçons à Selena, qui elle avait fait des recherches... Il se doutait déjà que la tâche serait ardue, mais il ne s'était pas attendu à un tel degré de difficulté. Maintenant, il fallait trouver un beau mensonge à dire. Crédible. Rapide, pour ne pas montrer à la nécromancienne qu'il inventait quelque chose.

Ou alors... Dire la vérité.

Il regarda Selena dans les yeux et laissa échapper un léger soupir avant de commencer son récit.

« Le docteur Masaryk est un passionné. Comme vous avez vous-même pu le lire dans l'article, il n'a pas attendu d'avoir le droit d'exercer pour recevoir des patients. Rien ne l'arrête ! »

Il s'accorda un sourire avant de reprendre, plus sombre.

« Au point de violer les codes de déontologie... Il a été découvert que le Docteur Masaryk expérimentait parfois sur les cadavres de ses patients, dans les cas de suicides par exemple. »

Il marqua une courte pause, réfléchissant à la conclusion qu'il devrait faire pour appuyer le côté "passionné, un peu fou mais pas méchant".

« Ça a l'air horrible mais... il n'a jamais tué qui que ce soit. Il s'agissait plus d'une tentative désespérée de comprendre pour éviter que le pire se reproduise. Cette expérience a réellement pourri sa carrière, par chance notre directrice est plus compréhensive que la plupart des gens... Je peux comprendre que ses actes passés vous révoltent, mais ne vous en faites pas quant au Docteur Masaryk. Il est excellent. »

Aedan avait terminé son speech. Comment dire la vérité en mentant comme un arracheur de dents... Il regardait Selena avec un calme qui masquait miraculeusement son appréhension.

Sceptique, Selena écouta Aedan lui répondre. La situation était délicate. Elle n’avait jamais rencontré le Docteur Masaryk. Arkann par contre même si elle l’appréciait particulièrement restait un patient interné dans un hôpital psychiatrique. La nécromancienne soupira. Elle avait bien failli se faire avoir. Son précédent formateur le lui avait sans cesse répéter : ta bonté te perdra. La Finno-hongroise se massa les tempes. Il fallait qu’elle se ressaisisse. C’était une professionnelle, pas la bonne copine. Déterminée elle reprit la parole.

La nécromancienne ressentit une pointe d’amertume. Le patient portait bien son patronyme qu’il avait même fini par lui faire ressentir pleinement. La psychologue se sentait simplement bête d’avoir douté d’un respectueux neuropsychologue sur les suspicions d’un interné. Elle avait même failli se mettre dans de beaux draps. La jeune fille se remémora l’explosion. Elle avait eu l’échappe est belle.

La doctorante qui avait repris des forces se leva doucement. Elle devait être en piteux état. Elle allait remercier Aedan et partir avant de se raviser. Sur le pas de la porte elle se retourna.

L’évidence apparaissait désormais comme le nez au milieu de la figure. Arkann représentait un danger. C’était un sorcier au potentiel apparemment extraordinaire avec une difficulté à contrôler son art et des émotions à fleur de peau. Tous les magiciens savaient parfaitement que les sentiments et la magie étaient intimement liés. Le mélange était donc explosif.