D’une oreille distraire, Selena écoutait la musique en observant la masse. Personne ne se serait jamais douté que le bal avait lieu dans un hôpital psy. Jamais. La nécromancienne se surprit d’ailleurs à se demander si tous les patients avaient bien reçu une invitation. Ceux présents se fondaient parfaitement dans le décor. Où étaient-ils ? Toujours en retrait, la noiraude en profita pour observer avec attention la directrice et celle qu’elle soupçonnait être Samaha. Elle n’aimait pas Jezabel. Elle ne l’avait rencontrée qu’une fois et même si on ne devrait pas juger un livre à sa couverture le docteur Pendragon semblait être une personne tout à fait imbuvable. La Finno-Hongroise porta sa coupe de champagne à ses lèvres, elle but une gorgée, son regard toujours obstinément fixé sur sa supérieure. Tu devrais me lécher les pieds pour t’avoir amenée ma mère. Récemment, la psychologue s’était rendue compte que la gagnante dans l’histoire, au final, ce n’était peut-être pas vraiment elle mais plutôt l’insupportable directrice.

La nécromancienne fut tirée de ses pensées par l’arrivée d’Aedan. Il était magnifique dans son costume. Toujours aussi galant il ne manqua pas de relever la même chose à son propos tout en lui tendant une sublime rose noire. Amusée, la Finno-Hongroise était presque sûre que son père avait fait la même chose pour charmer sa mère 30 ans auparavant. Touchée, Selena sourit et lui retourna le compliment.

Le psychologue enchaîna tout de suite, l’air plus grave. Ah. Immédiatement, elle comprit de quoi il retournait. Sa mère et Arkann. Elle avait explicitement demandé des nouvelles des deux sorciers à Aedan. De toute évidence il semblait en avoir et à juger sa tête, pas des plus positives. Silencieuse, Selena but une nouvelle gorgée de champagne avant de lui répondre.

Immédiatement, il accepta. La Finno-Hongroise ne quitta pas sa coupe. Elle en aurait certainement bien besoin. Les deux sorciers sortirent donc de la cafétéria convertie en salle de bal pour l’occasion et sortirent dans le parc. La lune brillait dans le ciel, illuminant le manteau de neige  qui recouvrait les lieux de ses doux rayons argentés. Le paysage était magnifique. Selena finit son verre de champagne, inspira et se retourna vers le chef de Service.

Xandrah ne nota pas l'étrangeté des propos de Stein. "J'étais", "je suis", la différence ne l'avait pas marquée plus que ça. Elle pensait à sa sœur, à ses disputes avec Cassian, à son absence du domicile familial, au fait qu'elle avait semblé plus soulagée que déçue de l'absence de son mari à Lómilendë... Les époux s'aimaient-ils encore ? Pouvait-on cesser de s'aimer ? Voilà des questions qui étaient primordiales dans l'esprit de la fillette. Elle se demanda si quelqu'un tomberait amoureux d'elle un jour. Quand je serai grande, aurait-elle pensé si elle n'avait pas été malade. En l’occurrence, elle ne savait plus.

- Est-ce qu'on peut arrêter d'aimer celui avec qui on est marié ?

Elle posa la question naïvement, convaincue que l'homme saurait lui répondre. Il lui paraissait vieux, cela voulait forcément dire qu'il savait tout de la vie et donc de l'amour.

Elle gratta la tête de Dina en la regardant d'un air surpris, comme si elle avait oublié que la chatte était toujours près d'elle. En effectuant ce geste, elle songea à ce que venait de dire Stein. Il lui avait proposé de rencontrer sa femme. Elle aussi, pourrait lui répondre, c'était certain ! Peut-être même qu'une femme comprendrait mieux l'amour. Un peu en retard, elle accepta la proposition.

- J'aimerais beaucoup rencontrer votre femme. Je viendrai vous rendre visite demain.

"Demain", dans son langage d'enfant, ne voulait pas dire grand chose. Il signifiait "bientôt". "Quand j'y repenserai, que l'envie me prendra". Elle fronça les sourcils. S'il l'aimait tant que ça, pourquoi n'étaient-ils pas au banquet tous les deux ? Il serait tellement bien avec une magnifique femme à ses côtés, vêtue d'une robe incroyablement belle...

- Pourquoi votre femme n'est pas venue à la fête ?

C'était Noël ! Un moment à passer avec les gens que l'on aimait... Non ?

Sofía se joignit aux deux chamanes en s'excusant pour son retard. Elle couvrit Jezabel de compliments, avant d'en servir quelques uns à l'Anglaise également. La directrice lui adressa un sourire de remerciement en laissant Samaha s'exprimer la première. Celle-ci félicita l'Espagnole pour sa robe originale avant d'exprimer son ignorance au sujet des autres responsables.

Jezabel glissa un regard vers l'horloge murale et retint un petit rire. Décidément, rien n'avait été laissé au hasard. A demi-couverte de givre, elle était encadrée d'une guirlande en sapin, sobrement décorée. Malgré la glace, on pouvait encore distinguer l'heure : il était encore tôt. Elle ferait son annonce d'ici une heure, un peu moins si l'occasion s'y portait.


La Pharmacienne bientôt cheffe de service officielle remerciait la rousse et lui indiquait la provenance de sa robe. L'Ecossaise décida de se mêler aux politesses suite à cela.

« Merci. Je ne peux qu'être d'accord avec Samaha, vous êtes particulièrement resplendissante ce soir. »

Les trois collègues prirent place suite à la proposition de la cheffe du service Baudelaire. Avant de s'asseoir, la directrice s'assura que tout allait bien pour sa cadette. Celle-ci semblait plutôt bien s'amuser en compagnie du patient. Tant mieux ! Elle s'installa, rassurée.

Trop occupée par sa sœur, Jezabel n'avait pas réalisé que les positions dans lesquelles elles étaient lui donnait une vue directe sur Fenring et les deux demoiselles. Eh merde. Il souriait à la petite rouquine à qui elle avait parlé précédemment tandis qu'elle rougissait et gloussait. Pitoyable...

Vite, il lui fallait un sujet de conversation. Elle aurait voulu en savoir plus au sujet des deux mijaurées qui piaillaient aux côtés d'Aasimir mais cela aurait encore attiré l'attention de Samaha sur sa relation avec le patient. Mieux valait éviter. Elle débordait également de curiosité concernant l'interlocuteur de Xandrah, cependant elle n'avait aucune envie d'expliquer le cas de sa petite sœur. Les employés auraient tous une note en temps et en heure.

Difficile de parler des dernières occupations de Sofía, puisqu'elle avait certainement dû passer beaucoup de temps à prendre possession du service 2 et que Samaha n'avait pas encore connaissance du nouveau titre de l'Ibérique. Parler des patients du service 3 n'était pas bien judicieux : Erzèbeth était la principale patiente de la Britannique et il n'était pas question de la mentionner devant d'autres personnes. Voilà qui limitait encore les sujets à disposition...

« Le paysage est magnifique ce soir n'est-ce pas ? »

Parler de la pluie et du beau temps... La conversation promettait d'être palpitante si une des autres femmes ne dérivait pas rapidement vers un sujet plus intéressant.

Selena prit la parole, ramenant Aedan à la réalité. Son propre discours l'avait réellement ébranlé, mais quel effet avait-il eu sur la jeune femme ? Elle semblait chamboulée, elle avait pâlit. Qu'était-il censé faire ? La réconforter ?

Le temps qu'il hésite, elle semblait déjà s'être reprise. Elle lui proposa de rentrer, lui demandant s'il lui accorderait une danse.

« Peut-être. », répondit-il mystérieusement en souriant. Forcément, il l'inviterait. Incorrigible dragueur, il s'était assuré d'être au niveau de chacune de ses partenaires : il était par conséquent un excellent danseur.

Ils se levèrent et retournèrent en direction du banquet. En chemin, leurs mains se frôlaient tant ils étaient proches l'un de l'autre. Aedan se surprit à avoir entre de la saisir, d'entrelacer ses doigts avec ceux de la Finno-Hongroise. Il ne le réalisait pas vraiment, pourtant une fois de plus il semblait s'être pris à son propre jeu. Cette attirance pour la belle jeune femme se faisait plus prononcée au fur et à mesure qu'il la côtoyait.

Une fois arrivés dans la cafétéria, la plupart des invités bavardaient, réunis en petits groupes. L'élémentaliste, en balayant la salle des yeux, croisa le regard de Samaha, attablée avec Jezabel et Sofía. Il ne s'attarda pas et se détourna rapidement pour faire face à Selena. En fond sonore, une valse de Chopin résonnait dans la salle. Pas trop fort pour ne pas couvrir les conversations, elle était cependant bien audible et permettait aux plus festifs de danser à leur guise. Quelques autres individus esquissaient d'ailleurs de légers mouvements suivant le rythme.

Il prit enfin la main de la nécromancienne.

« Selena, m'accorderez-vous cette danse ? »

Dès qu'elle eut répondu par l'affirmative, il s'approcha d'elle, glissant sa main dans le dos de la jeune femme. Lorsqu'ils commencèrent à danser, le regard d'Aedan s'était totalement perdu dans celui de Selena.

Encore un peu secouée par la nouvelle de la mort d’Arkann, Selena fut ramenée à la réalité par Aedan qui lui saisit la main et l’invita à danser. La nécromancienne sourit et accepta immédiatement. Les deux sorciers rejoignirent les quelques paires qui valsaient déjà sur la piste.

Première surprise, Aedan dansait particulièrement bien, avec douceur et fluidité, la guidant à merveille. Très vite, Selena perdit son regard dans celui de son partenaire, hypnotisée. Elle ne savait pas vraiment ce qu’il se passait, elle savait juste qu’elle appréciait ce moment, qu’elle l’appréciait lui.

 

A la fin de la chanson, les deux psychologues se remercièrent mutuellement. Détachant brièvement son attention des yeux de l’élémentaliste, la Finno-Hongroise aperçut la directrice la fixer avec insistance avant de reporter son attention sur son interlocutrice. La nécromancienne eut un bizarre pressentiment, une intuition.

Mal à l’aise une fraction de seconde elle se ressaisit vite et profita de l’opportunité

Glissa-t-elle avant de laisser Aedan derrière, se dirigeant d’un pas résolu vers la directrice. En y pensant, c’était charmant de la part du chef de service 4 de la tenir informer de l’état de sa mère, dans les faits c’était à elle de s’en occuper et qui de mieux placer que Pendragon pour répondre à ses questions. D’ailleurs, Selena allait moins quémander des informations qu’exiger que leur contrat soit rempli sous tous ses aspects.

La directrice s’entretenait avec le Dr. Black et une femme qu’elle ne connaissait pas lorsque Selena débarqua.

Excusez-moi de vous interrompre mesdames. Elle s’adressa ensuite directement à Jezabel. Est-ce que je pourrais vous parler Docteur Pendragon ? En privé.

La bienséance aurait définitivement exigé que Selena attende un moment plus propice mais la psychologue avait saisi la balle au rebond et profité d’une vague de détermination pour agir.