Pour une raison qui lui échappait, les paroles d’Aedan la réconfortèrent. Il y avait une douceur insoupçonnée dans sa voix, une chaleur atypique. Quand elle repensa à Arkann, la nécromancienne eut un pincement au cœur. Elle s’était faite embobinée. Ce garçon était un patient, pas une victime. Il avait des troubles mentaux et était instable, d’où son internement évident en hôpital psychiatrique. Selena réalisa qu’elle avait encore bien des choses à apprendre et de l’expérience à acquérir.
Elle se rappela également une promesse qu’elle s’était faite au début de ses études en psychologie : ne jamais juger un livre sur sa couverture. Elle ne connaissait pas le Dr. Masaryk et savait mieux que personne la perversion et l’hypocrisie dont les médias pouvaient faire preuve. Le Hongrois était un estimé neuropsychologue. Dans les hautes sphères de pouvoir il était courant d’avoir des démêlées avec la justice. Les eaux de l’influence pullulaient d’ennemis toujours prêts à tout pour vous faire tomber.
La noiraude allait s’en aller lorsque son supérieur la retint. Effectivement, elle n’était pas en état de conduire. Silencieuse elle regarda Aedan. Ce n’était pas très éthique. Résignée, la Finno-hongroise finit par s’abandonner à la tentante proposition après un furtif débat interne
Merci beaucoup Docteur. C’est très aimable à vous.
Ils se dirigèrent donc vers les ascenseurs et se rendirent aux appartements du psychologue. Sobres mais classes, les lieux étaient chaleureux. Aimable et serviable, Aedan alla préparer du thé en invitant la doctorante à se mettre à l’aise. Selena s’assit au salon, détaillant avec intérêt l’environnement. On apprenait beaucoup des gens en observant leur lieu de vie. Très vite, la nécromancienne tomba sur le portrait d’un jeune homme à l’air espiègle. Yezekaël Adrazar sans aucun doute. Le plus grand élémentaliste des derniers siècles. Bien que sa mère et sa marraine ait fréquenté le puissant sorcier de très près, elle-même ne l’avait jamais vu et ne savait que très peu de choses sur lui. Erzèbeth ne l’avait jamais évoqué et Vanina s’était contentée, une fois, de le décrire comme un homme sympathique surdoué dans son domaine. Rien de bien croustillant. Selena avait toujours eu le pressentiment que l’Allemand avait été une personne importante dans la vie d’Erzèbeth et Vanina mais comment exactement ?
Selena fut tirée de ses pensées par l’arrivée d’Aedan qui lui tendit une tasse de thé. Elle le remercia chaleureusement. Assis face à face, buvant leur infusion en silence, les deux sorciers s’observaient régulièrement à la dérobée. Elle en venait presque à oublier qu’elle devrait le détester. Ne juge pas un livre sur sa couverture. Selena ! La nécromancienne se remémora ce crédo qu’elle avait tant de mal à assimiler. Aedan était gentil, serviable et très beau garçon.
La Finno-hongroise le remercia une nouvelle fois pour sa déférence et engagea la conversation sur un ton allègre. Elle lui demanda s’il se plaisait ici et s’il avait eu le temps de visiter les alentours ou s’il connaissait déjà la région (dans ses souvenirs elle se rappelait l’élémentaliste être Irlandais). Les deux sorciers bavardèrent plusieurs minutes, leurs conversations gagnant lentement en profondeur. Apparemment, en plus d’être un sorcier de renom, il était intelligent. Mise en confiance et en quête de soutien, Selena qui se sentait affreusement seule depuis son arrivée s’ouvrit à lui.
Je pense que vous n’êtes pas sans savoir que mon extraordinaire nomination à un poste qui n’existait pas n’est pas uniquement dû à mes capacités… Tout comme j’imagine que mon nom de famille ne vous est pas inconnu.
L’homme resta silencieux.
Ma mère est désormais internée ici. Je ne sais pas vraiment si je devrais vous en parler mais j’en ai besoin. Je m’inquiète vraiment pour elle. Je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de la voir et je ne sais pas du tout si un protocole thérapeutique a été mis en place, ou n’importe quoi d’autre d’ailleurs. Est-ce que vous êtes au courant de quelque chose ?
Le visage de la nécromancienne s’était assombri. La douleur et l’anxiété marquait ses traits. Elle se sentait bien en compagnie d’Aedan et elle avait décidé de suivre son envie de se confier. Après tout, il était psychologue et bien mieux expérimenté qu’elle, il connaissait parfaitement les affres de l’angoisse.