Catapulté dans la noire utopie de la comtesse, l’esprit du Français peinait à émerger, tourmenté par les images qui le hanteraient toute sa vie. Les monstres tapis dans les ténèbres primordiales s’étaient déversés sur lui comme un ouragan. Chahuté par des vents chargés d’horreurs innommables, Auguste avait perdu connaissance. L’oubli plutôt que la folie. La fuite de l’esprit pour sa sauvegarde. Maintenant qu’il revenait à lui, la noirceur tapie dans les recoins de son âme allait reprendre son irrémédiable grignotage de sa raison. Dans cette course contre la montre, la seule inconnue restait à savoir si, sous la guidance d’Elizabeth, le jeune homme saurait l’asservir.
La comtesse passa un de ses longs doigts albâtre dans la chevelure paille de son élève. Il n’y avait dans ce geste pourtant aucune douceur, celui-ci s’apparentant plus à la caresse perverse d’une prédatrice qu’à celle d’une mère inquiète. Lorsqu’elle aperçut une étincelle de défi dans le regard d’Auguste, la directrice y répondit par un sourire sans joie, puis lorsqu’il exprima avec avidité son désir d’apprendre, elle dévoila ses dents.
- Comtesse, le reprit-elle. Pour l’heure Auguste, je te conseille de reprendre tes forces. Tu en auras besoin.
La directrice jeta un coup d’œil méprisant à l’aube qui pointait son nez avant de se lever avec élégance, sa robe nuit l’accompagnant dans son mouvement telle une brume obscure.
- Pas de leçon particulière en vue, Auguste. Je t’attends au cours de nécromancie usuel que je donnerai dans deux lunes.
La directrice se retira d’un pas régalien et sortit de l’infirmerie, laissant derrière elle Auguste et la luminosité grandissante du jour qui se levait. Pourtant, alors qu’elle n’était plus en vue, le Français entendit sa voix dans son esprit, telle une lame incandescente pénétrant de la chair.
Et d’ici là, arrange-toi pour gagner la confiance de mes deux collègues. Elle nous sera utile.