Yezekaël venait de se lever, joyeux, il allait donner son premier cours. Il enseignerait les potions, matière qu’il affectionnait particulièrement et qui lui avait été très utile lors de ses missions pour le service des renseignements de l’OMDS. Il se leva donc de son lit rapidement, prit une douche écossaise et enfila un jeans et un polo rouge. Il se rafraîchit et descendit les escaliers de l’école quatre à quatre et passa rapidement aux cuisines pour manger quelque chose. Les cuisiniers lui donnèrent un croissant et un chocolat chaud. L’Allemand se rendit donc dans sa salle de cours, et alluma les flambeaux d’un tour de main.

Il s’assied sur la chaise du professeur et regarda sa salle de cours encore vide, tout excité. Il adorait enseigner et c’était son premier cours dans une école qui dirigeait. L’élémentaliste regarda sa montre – une rolex - et vit qu’il avait une demi-heure d’avance. Il sortit donc un livre de son sac et se mit à le feuilleter, dévorant les pages plus rapidement les unes que les autres. Lorsqu’un bruit de pas se fit entendre dans le couloir, l’Allemand s’imaginait voir entrer un élève, mais c’était une des nombreux cuisiniers de l’école qui passait par là.

Il se replongea donc dans sa lecture, oubliant tout ce qui l’entourait. Il lisait un des nombreux romans de Lévy intitulé : « Sept jours pour une éternité.» L’Européen fut tiré de ce monde imaginaire par un raclement de gorge, un élève venait de rentrer. Sur le tableau on pouvait lire ceci.

Yezekaël avait toujours le nez planté dans son livre. Deux élèves étaient déjà arrivées, mais l’élémentaliste n’avait pas remarqué l’arrivée de la première et lorsque la deuxième entra, elle le salua. Ce qui eut pour conséquence de faire réagir le directeur et il les regarda les deux. A leur uniforme, il déduisit qu’elles appartenaient à la section de sa collègue nécromancienne. Pour elles, ce cours se révélerait très important puisque les potions et la magie de la mort sont étroitement liées. Il posa son bouquin sur son pupitre et fit un simple coup de tête aux deux jeunes filles.

« Bonjour, miss Yroko et Key je présume ? »

L’Allemand se rappelait de leur prénom, étant obligé de consulter les dossiers de tous ses élèves, il voyait leur photo et celui-ci avait une très bonne mémoire visuelle. Il se leva de sa chaise et se dirigea en silence vers une des armoires de la classe d’où il sortit deux livres de potions qu’il déposa sur les bureaux des deux petites nécromanciennes. Puis il se rassit à son pupitre. Il donna une simple consigne aux deux élèves.

« Je pense que vous avez pris connaissance du règlement pendant mes cours. Alors tant que le cours n’aura pas réellement commencé, je vous permet de discuter, mais après… prenez des risques. »

L’élémentaliste affichait un petit sourire, repensant aux milles et unes bêtises qu’il avait faites lors de sa scolarité. Bien qu’étant un élève doué, il pensait plus à discuter avec ses voisins et à faire le pitre qu’aux examens. Mais aucun de ses professeurs n’osaient le remettre sur le droit chemin. Il n’avait jamais compris pourquoi. Peut-être était-ce du à son nom ou bien les maître savaient que ce jeune homme était un cas irrécupérable. Certains avaient bien essayé de lui donner des punitions ou des heures de retenue. Mais Yezekaël les accomplissait toujours avec le sourire, ce qui avait pour effet d’exaspérer les professeurs qui finissaient par abandonner. Il replongeait avec délice dans ses souvenirs, ceux dans lesquels il se revoyait en train de faire tourner le professeur en bourrique avec Matthias et Paton.

Il reprit la lecture de son livre, et Yezekaël attendait patiemment que les élèves arrivent pour assister à leur premier cours de la journée et de l’année. Le germanophone avait longuement hésité pour ce qui se passerait durant cette heure. Il ne savait pas vraiment s’il donnerait des éléments théoriques ou s’il passerait directement à un peu de pratique. Il avait finalement opté pour un petit mélange des deux. Il insisterait sur quelques éléments indispensables pour les potions et ensuite les élèves devront préparer une potion basique, une potion de soin.

Ce matin Karell se leva tôt. A 7h00 tapante le jeune Equatorien posait ses deux pieds nus sur le sol froid de sa Salle de Section. Pourquoi se trouvait-elle donc au sous-sol ? Dios mío… Qui était l’imbécile qui avait placé les Chamanes dans un lieu aussi sombre, humide et froid ! Bon sang, de plus cette année l’hiver était particulièrement rude. Depuis maintenant près d’une semaine un grosse masse blanche appelée neige recouvrait tout. Mon dieu. Jamais Karell n’avait eu a faire à ça ! A Guayaquil la température annuelle était de – au bas mot – 23°. Et on ne peut pas dire que l’Espagne soit réputée pour ses pistes de ski.

En une vingtaine de minutes l’Equatorien fut prêt, son habit de Section revêtu. Il avait du temps devant lui, il consulta donc – une énième fois – son plan de cours et revérifia son sac. Le matériel nécessaire y était. De nature optimiste le noiraud reconnut au moins qu’il y avait un avantage à ce que sa salle de Section soit au sous-sol. Le premier cours – celui des potions – se trouvait à quelques mètres à peine de lui. A l’avenir Karell pourrait se lever sans autres tous les matins à 7h50. Le jeune Corera ne put s’empêcher de sourire en pensant à Cassis et Valandra dévalant les interminables escaliers de Lómilendë chaque matin et cela toute l’année. Et oui les Nécromanciennes, là-haut perchées dans leur tours allaient en pâtir. Et au fait pourquoi la salle de Section Vérèstävä se trouvait là haut ? Était-ce à l’image de la directrice un signe d’orgueil ? De domination ? L’hispanophone ne s’attarda pas sur la question, il saisit son sac en bandoulière noir et sortit du dortoir. Le cours ne commencerait que dans une demi-heure. Le jeune homme en profita donc pour déambuler ci et là. Perdu à ses pensées. Il décida d’aller faire un tour dans le parc. Mais avant de pousser les massives portes d’entrer il se rappela de ce qui l’attendait dehors, il fit donc demi-tour et, se dirigea vers la salle à manger. Là il se servit un vert d’eau et ne mangea qu’un petit pain. Oui le Sud-Américain avait la boule au ventre. Karell n’avait jamais été très doué à l’école, déjà à Santa Via il ne brillait dans aucune branche. Certes il ne se débrouillait pas trop mal en Chamanisme mais les autres matières … c’était galère. Il était persuadé qu’il aurait la moyenne partout … mais juste la moyenne. Quoique ce qu’il appréhendait le plus c’était la métamorphose. Au grand damne de Karell, ce dernier était un véritable incapable lorsqu’il s’agissait de cette foutue magie. Jamais le noiraud ne modifierait une souris ne serait-ce qu’en rat, alors qu’un chérubin en serait capable avec un peu d’entraînement. L’Equatorien se leva, broyant du noir, la mine fatiguée il se mit en route pour son cours de potions. Alors qu’il arrivait au milieu du hall l’hispanophone regarda sa montre et constata que le cours commencerait dans 10minutes. Il pressa donc le pas et lorsqu’il arriva dans la salle de cours il vit que Cassis et Valandra étaient déjà là … assises … l’une à côté de l’autre. Pero no es posible ! Pensa le Chamane. Les yeux toujours grands ouverts il alla s’asseoir le pupitre derrière ses deux amies. Les deux filles le saluèrent avec un grand sourire. Le jeune noiraud répondit avec un sourire forcé

L’Equatorien prit soudain conscience qu’il ne saurait plus mettre un visage sur Yezekaël Adrazar, l’un des directeurs. Il jeta un coup d’œil au bureau et pu voir un bel homme, les yeux pétillants. Ce dernier salua Karell et lui donna un livre de potions. Le jeune Corera répondit au salut du professeur et sortit son plumier ainsi qu’un petit cahier. Ses affaires prêtes il reporta ses grands yeux bleus sur les deux filles.

Un certain nombre d’élèves des trois sections étaient arrivés dans la salle de cours, profitant des quelques minutes de répit avant le début du cours. Un léger brouhaha s’était installé dans le cachot, mais quelle importance, la cloche qui annoncerait le début des festivités retentirait sous peu. En attendant, l’Allemand continua de lire son livre : Sept jours pour une éternité, de Marc Lévy.

« Décidément, il y avait plus de mémoire dans un Mac que dans la cervelle d’un mannequin, se dit Lucas, déçu. »

Yezekaël sourit à la lecture de ce passage, la suite du livre promettait d’être de la même trempe. Alors qu’il dévorait les lignes suivantes, le son de la cloche retentit dans le château et les bavardages s’arrêtèrent aussitôt. Il soupira et rangea donc son bouquin dans sa sacoche et il se leva de sa chaise pour se placer devant son bureau, appuyé sur celui-ci plus précisément. Il affichait un large sourire, et il respirait la confiance.

« Tout d’abord, bonjour et bienvenue à votre premier cours de Potions. Nous nous verrons tous les matins, je tiens à vous dire que toutes les pannes de réveil seront sanctionnées. Mais passons ces points de règlements ennuyeux. Cette année, nous nous intéresseront principalement aux effets des différentes plantes qui poussent en Europe et nous ferons différentes potions qui auront une utilité pour les différents soins que vous serez amenez à exercer dans votre vie. »

Le professeur marqua une pause, les regards de ses élèves posés sur lui. Il se dirigea vers une armoire et sortit une vingtaine de blouses noires, marqués à la poitrine des trois signes des sections. Il les déposa sur le pupitre le plus proche et dit à ses élèves d’en prendre un et de chercher un chaudron dans l’armoire du fond.

« Passons directement à la pratique. »

Le directeur sourit, il n’avait pas prévu de théorie pour aujourd’hui, pas pour le premier cours. Il allait simplement leur faire faire une potion de base. Quelque chose de simple, que même les moins doués dans cette manière réussirait haut la main. Ce programme lui permettait surtout d’observer les différentes facilités de ses élèves, et leurs difficultés par la même occasion. Il sortit différentes plantes et ingrédients de l’armoire qu’il déposa dans un bac sur son bureau.

« Jusque là, vous avez des questions ? »

Première journée de vrai travail, comme l’avait annoncé les trois directeurs de l’école, Mélusine ne doutait pas un instant qu’avec la cruche au nouveau look pseudo gothique, qui avait anciennement les cheveux roses fluos et la grande tarte qui n’avait pas compris que les robes à corset c’était il y a fort longtemps, les cours ne seraient pas de tout repos. Heureusement pour la petite demoiselle, elle débutait avec son professeur de section qui ne semblait pas être un bonhomme aigri et qui ne se croyait pas supérieur aux autres sous prétexte qu’il avait eu un peu de talent, contrairement aux deux autres tortionnaires de bonnes femmes.

Entre deux élèves qui discutaient de farine et d’un concours étrange qui consistait à faire chanter des gens représentant un pays d’Europe, l’élève pénétra habilement dans la salle de classe et prit place discrètement dans le fond de celle-ci. Bien qu’elle éprouvait un certain respect pour M. Adrazar, elle ne s’intéressait pas forcément à ce qu’elle appelait vulgairement de la cuisine de vieille. L’époque où les femmes faisaient à manger pour leur mari était révolue et c’était une réelle aubaine pour Mélusine qui n’aurait pas été capable de faire chauffer un plat de spaghettis à son futur mari. Mais aujourd’hui et cela plusieurs fois dans l’année, elle allait devoir préparer des potions stupides qui l’ennuyait déjà.

Dans la multitude d’élèves présents, elle reconnut Cassis à qui elle adressa un petit signe de la main. L’élémentaliste ne la connaissait pas vraiment, mais la nécromancienne lui avait fait bonne impression le jour du duel.

Le cours commençait enfin, dans un soupire, la fillette écoutait son directeur parler de potions. Il souhaitait savoir si il y avait des questions. Effectivement, à pars demander ce qu’était un chaudron, il n’y avait pas grand-chose à connaître.

Lorsqu'elle aperçut Mélusine, Cassis sourit en lui rendant son salut. Bien qu'elle ne la connût pas vraiment, elle l'appréciait, le duel lui avait laissé une plutôt bonne impression. Et puis, l'élémentaliste s'était souvenu d'elle, ce qui était très, très important. En effet, oublier la petite nécromancienne aurait été un acte d'une gravité incommensurable. Enfin... tout cela était évidemment l'avis de Mademoiselle Key, mais après tout, tout est relatif, n'est-ce pas...

Ensuite, leur professeur se mit à débiter des paroles qui semblaient étrangement préparées à l'avance. Un discours d'un ennui incroyable. Tandis qu'il parlait, Cassis le fixait sans ciller. Non, non, ce n'était pas du par coeur. Elle retint un soupir. Elle n'arrivait même pas à s'intéresser à quelques mots de bienvenue, qu'est-ce que cela donnerait durant les explications pour les potions ? Il lui faudrait pourtant s'appliquer si elle souhaitait avoir de bonnes notes, et donc, bien écouter les consignes. Elle n'avait jamais été particulièrement douée en potions, la décoloration de ses cheveux en était la preuve parfaite. Mais heureusement, personne à part sa directrice n'avait jamais connu la véritable raison de ce changement : son honneur était sauf.

Le directeur de la section élémentaliste alla chercher des blouses dans une armoire. Médusée, la fillette le regarda revenir, espérant secrètement que ces horreurs serviraient à tester des potions, et non à être portées. Franchement, qui oserait faire enfiler ces choses à des élèves ?! ... Lui. Il osa. Lorsqu'il leur annonça qu'ils devraient les mettre et d'aller chercher un chaudron, il n'échappa pas au regard assassin de la jeune élève qui, cependant, ne protesta pas. Mieux valait se tenir tranquille, surtout avec l'un des directeurs. Pensant que peu de temps après, se déroulerait le cours de cette cruche de Cathena, professeur un peu trop blonde qui avait été jusqu'à lui proposer ses faveurs presque sans raison, elle sourit. Voilà le cours durant lequel elle pourrait s'amuser. En attendant, il fallait rester sage.

Quand leur enseignant leur annonça qu'ils allaient faire de la pratique, la petite tenta de se retenir une fois de plus de râler. Mais enfin, ils s'en doutaient, après avoir mis ces blouses monstrueuses et être allé chercher un chaudron ! Malheureusement, elle ne fit que tenter, et ne réussit à retenir un « Non, vraiment... » assez discret, que Valandra pu tout de même entendre sans problème.

Elle garda ensuite le silence. Surtout, pas d'ennuis dès le premier cours. Elle garda les yeux rivés sur l'Allemand, qui sortait des... choses d'une armoire. Des ingrédients sans doute. Mais la jeune fille n'aurait pas pu en jurer. Évidemment, vu le peu de connaissances qu'elle avait dans ce domaine, elle ne pourrait jamais jurer de rien. Puis, le directeur leur demanda s'ils avait des questions. Il se moquait d'eux ? Cassis, sans vraiment demander la parole, répondit.

« Oui. Vous plaisantez ? À part nous faire mettre des blouses, que je trouve de très mauvais goût soit dit en passant, et prendre un chaudron, nous n'avons rien dû faire. Que pourrions-nous bien vous demander ? »

Sans quitter son professeur des yeux, Cassis attendait une réponse. Elle n'avait pas peur d'être punie, bien qu'elle eût peut-être dû. Sa question était franche. Qu'auraient-ils pu demander ? Comment mettre une blouse ? Ou, éventuellement, comment supporter une heure avec cet accoutrement.