A sept heures précises, une douce mélodie résonna dans l’appartement du Dr Black. La chamane s’étira de tout son long tel un chat. Sa première action fut de se diriger vers sa salle de bain ou elle laissa couler l’eau de sa douche jusqu’à bonne température. Sa nuisette enlevée, la rouquine se glissa à travers les portes coulissantes. Après une bonne demi-heure de préparation, elle avait enfilé un de ses fameux tailleurs noirs au décolleté plongeant. Elle prit un rapide déjeuné avant de se diriger vers son bureau. Rien ne pouvait gâchée cette magnifique journée. C’était le jour préféré de la semaine de la sorcière. Elle vérifiait les nouvelles arrivées et les évolutions des cas de son service en vue d’un possible transfert dans le fameux secteur C. Ces derniers temps, aucun nouvel arrivant n’avait fait son entrée en raison des récents événements et Samaha s’ennuyait ferme.

Arrivée dans son bureau, elle y vit deux lettres déposées en évidence. La psychiatre attrapa la première et la lu rapidement. La signature marquait « Hegbert McLeod ». La chamane savait que ça ne pouvait être que son frère en cavale qui lui donnait des nouvelles par l’intermédiaire d’un pseudonyme ridicule tiré de leur enfance. Il semblait s’en sortir pas trop mal. Elle rangea la lettre dans un des tiroirs de son bureau et prix place sur sa chaise imposante pour lire la deuxième lettre. Elle provenait de son époux, Caleb McShield. Ses yeux dévalaient le bout de papier en s’agitant de gauche à droite. Au fur et à mesure de l’avancement de sa lecture, les mains de la chamane se crispèrent et ses sourcils se froncèrent. Impossible ! Son mari avait une nouvelle lubie qui n’était absolument pas en adéquation avec les plans de Samaha. Caleb voulait un héritier. La sorcière ria nerveusement devant cette lettre qu’elle ne pouvait s’empêcher de trouver d’un ridicule sans nom. Lorsqu’elle avait proposé leur deal de mariage à son mari, il était exclu de parler de descendance. Premièrement, la sorcière exécraient les enfants et deuxièmement, elle n’allait pas devenir une de ses femmes au foyer désespérée qui changeait des couches toute la journée. Elle avait enfin le poste de ces rêves pas question de le lâcher. Enfin bref, la rouquine décida de s’occuper de cela plus tard. Rien ne pouvait gâcher cette journée, même pas cette stupide correspondance.

D’un pas ferme, elle quitta la pièce et claqua la porte. Elle s’élança dans les couloirs et rejoignis le quatrième étage du château. A peine arrivée dans les divers bureaux, une infirmière lui apporta les nouveaux cas admis au sein du service Baudelaire. Elle s’avança vers un bureau et d’un geste de la main signifia à l’occupant d’aller voir ailleurs si elle était. Elle prit place et commença à feuilleter les dossiers. Au bout de quelques minutes seulement, un autre membre du personnel lui apporta un expresso noir, sans que Samaha n’ait besoin de le demander. Elle plaça quelques dossiers sur sa droite et d’autres sur sa gauche puis s’arrêta sur un cas potentiellement intéressant.

Que faire lorsque le moindre de vos faits et gestes est surveillé par une directrice devenue à demi-hystérique et ayant perdu tout sens de l'humour depuis l'incident du chef du service n°5 ? Ne pas s'attirer d'ennui, telle était la réponse qu'avait choisie Aedan. Il s'occupait correctement de son service, mais s'empêchait toute plaisanterie avec ses subalternes et voyait moins de patients qu'auparavant, laissant temporairement cet honneur aux infirmiers. Il mettait plus de cœur qu’avant à contrôler les rapports qui seraient transmis à la direction. Rien, absolument rien, ne devait paraître louche aux yeux du Docteur Pendragon. Il fallait qu’il se fasse oublier. Tout ça pour une blague mal placée… songea-t-il avec amertume. La directrice était pourtant habituellement la première à ricaner à ses vannes foireuses. Il aurait dû faire usage de ses talents de psychologue (avoir fait tant d’études pour se retrouver dans une situation aussi merdique !) et savoir, sentir, qu’il devait se taire.

S’ennuyant ferme depuis qu’il s’interdisait tout écart de comportement, il décida de faire la seule chose amusante qui ne risquait pas d’hérisser le poil de la directrice : embêter ses semblables, les autres chefs de service. Son choix du jour s’était porté sur le Docteur Black. Les possibilités avaient été limitées, il fallait bien l’admettre. Il valait mieux pour lui qu’il reste à distance de Lenz Friemann, soupçonné d’avoir collaboré dans l’affaire du Service 5. Il n’avait pas encore rencontré le nouvel arrivant, Hannibál Masaryk, et préférait attendre des présentations officielles avant d’aller jouer au parasite dans son bureau. Quant à Emma Thompson, il l’évitait depuis leur dernière soirée de beuverie, qui s’était terminée par une dispute fortement alcoolisée dont l’origine lui échappait totalement. Ne restait plus que Samaha Black, qui n’était pas un choix désagréable, bien au contraire : son physique des plus avenants la rendait particulièrement sympathique aux yeux de l’Irlandais.

Il pénétra dans le bureau de la rousse d’un pas décontracté et la trouva plongée dans un dossier.

« Docteur Black. Un cas intéressant ? Comment allez-vous aujourd’hui très chère collègue ? »

Absorbée par sa lecture, la sorcière n’avait pas remarqué tout de suite la présence du psychologue dans la grande pièce pleine de bureaux, mais elle n’avait pas manqué de remarquer les allers et venues agaçants du jeune psychologue naïf à qui elle avait temporairement volé sa place de travail. Elle rendait la situation plus agréable en jetant des regards noirs à l’intéressé lorsqu’il venait guigner si la chamane était partie. Lorsque le directeur du service 5 l’interpella, la rouquine leva les yeux vers le personnage.

Aedan O’Briain, chef du service 4. Elle n’avait que peu fréquenter l’individu durant ses six mois, tout comme le reste des autres responsables, à l’exception du Dr Friedmann. Récemment, elle évitait pourtant tout contact avec ce dernier, à son plus grand regret. La psychiatre appréciait beaucoup son ancien professeur, mais il était devenu un potentiel danger pour l’établissement et Samaha ne voulait en aucun cas être associé à cela. Elle savait aussi qu’O’Briain avait lancé une mauvaise blague à la directrice qui le mettait sur la sellette, mais elle était certaine que l’incident serait bientôt oublié. De plus, l’élémentaliste n’était pas désagréable à regarder et sa réputation de coureur de jupon ne faisait que grandir l’intérêt de la rouquine pour l’Irlandais.

La chamane insista sur le mot agréable. La requête de son mari, qui relevait presque de l’ordre, flottait sans cesse dans sa tête et la mettait dans un tel état d’irritation que la jeune femme avait décidé de flirter un peu. C’était peut-être quelque peu risqué de partir dans cette aventure avec un collègue de son rang, mais Samaha ne souciait que peu des conséquences pour le moment. Elle répondit ensuite aux questions d’Aedan sur un ton normal.

Elle se leva ensuite et s’approcha tout près du mage. Pour ne pas être entendu du personnel naïf, elle lui glissa à voix basse près de son oreille :

Avec un sourire aux lèvres, elle s'éloigna doucement de son charmant collègue et repris sur un ton audible de tous.

« Réponse extrêmement pertinente », admit Aedan lorsque la psychiatre lui fit remarquer que tous les cas étaient intéressants. Cependant, il vit qu’elle avait parfaitement compris dans quel sens il avait posé sa question et sans qu’il insiste, elle s’approcha de lui pour lui répondre.

A mi-voix, il répondit à l’interrogation de sa collègue. « Tellement occupé à me faire oublier que je n’ose même plus rester dans mon propre service, comme vous pouvez le constater. »

Pour son plus grand malheur, c’était vraiment le cas : effrayé par la directrice au point de ne plus savoir ce qu’il avait ou non le droit de faire, il ne faisait plus rien. Les rares patients en catégorie C étaient traités par les quelques initiés de son service, il ne faisait rien par lui-même et contrôlait les moindres faits et gestes des employés. Les patients en catégorie B étaient traités comme des A : pas question de les faire changer de secteur pour le moment. Les quotas instaurés par la directrice étaient respectés à la lettre, il était même souvent en dessous des effectifs, mais jamais trop : cela aurait pu paraître étrange aussi. Etre irréprochable était un travail définitivement épuisant.

Il continua à un volume normal. « Tout va pour le mieux ma chère, si ce n’est que je m’ennuie ferme. Je ne fais plus que lire des rapports, dernièrement… J’ai pensé que vous pourriez peut-être m’aider à me distraire un peu. Peut-être même oserais-je vous proposer de partager votre repas de midi avec moi ? Une compagnie aussi charmante que la vôtre me ferait certainement le plus grand bien. »

L’élémentaliste avait parlé sans vraiment réfléchir. A peine les mots eurent-ils franchi ses lèvres qu’il s’interrogea. Était-il sérieux ? Il ne l’était pas toujours, surtout lorsqu’il flirtait avec de charmantes demoiselles. Il devrait décider rapidement de ce qu’il convenait de faire avec miss Black : devait-il jouer quelques temps avant de retourner sa veste et prétendre n’avoir été qu’amical, ou pouvait-il se permettre d’aller plus loin ? Il se dit que la réponse viendrait certainement d’elle-même, en fonction de ce que dirait la chamane ou de la façon dont se déroulerait la suite de la journée.

Ravie de la suggestion de son collègue, Samaha afficha un sourire enjôleur. L’activité préférée de la chamane était de se retrouver au centre de l’attention et Aedan O’Briain lui donnait ce dont elle avait en ce moment le plus besoin. Exaspérée par son mari et par le manque de travail intéressant, la psychiatre était prête à tout pour se distraire. Elle bomba légèrement sa charmante poitrine mise en valeur par son décolleté plongeant et répondit en faisant légèrement la moue.

La rouquine lança à l’élémentaliste un léger clin d’œil aguicheur. La psychiatre s’approcha du jeune homme  avant de poursuivre, ne laissant à nouveau que quelques centimètres entre eux.

[Si la réponse est oui, je pense qu’on peut continuer directement dans les appartements de Sam, sinon je te laisse continuer ici]