Le meurtre du pion avait empli Hannibál d’une joie aussi animale que fugace. La vie continuait, impitoyable. C’était le grand jour du banquet. Le nécromancien avait passé la matinée à préparer ses bagages. Il devait quitter Lómilendë pour quelques jours, repoussant l’échéance de son entretien avec la directrice. Ma foi, certaines affaires n’attendaient pas.
Après avoir donné les ordres relatifs au bon fonctionnement de son service au personnel, il appela un taxi. Il prit le dossier qu’Adean lui avait fait parvenir et le feuilleta. Il lut en diagonale le rapport et le cosigna. Tout était désormais réglé. En apposant sa griffe, il classait presque définitivement cette histoire. Restait l’épreuve du feu avec le dragon. Le Hongrois regarda sa montre, il ne lui restait pas longtemps.
Il rédigea une lettre qu’il rangea consciencieusement dans une enveloppe qu’il ensorcela avec application. Seul Aasimir Fenring pourrait l’ouvrir sans perdre la vie.
- Hannibál Masaryk a écrit:
Aasimir,
Aux vues des récents événements je pense qu’une nouvelle rencontre s’impose. Passez me voir à mon bureau dès que vous aurez un moment. Soyez discret.
H.M.
Soyez discret. Le nécromancien aurait mis sa main au feu, le sale clown était allée geindre chez la directrice que le vilain Hannibál lui volait ses patients. Tourte. Aussi, valait-il mieux miser sur la discrétion. Le neuropsychologue ne lâcherait néanmoins pas l’affaire, quel que soit le danger, le mot avait été prononcé. Pas celui, plein de pouvoirs, qu’il avait lui-même utilisé pour s’arroger des prérogatives illimitées une heure durant et pour lequel – entre autres choses – il devrait rendre des comptes, non, le prénom qui avait été utilisé était bien plus tabou encore : Rozsá. A cette pensée, le nécromancien se crispa.
L’administratif réglé, il prit sa valise et sortit de ses appartements. Comme prévu, il s’arrêta à l’étage Hyde et se rendit dans la chambre de Kate. S’il avait eu le choix, il l’aurait tuée séance tenante. Elle ne représentait peut être aucun danger et il n’était pas sûr qu’elle sache ou soupçonne quoi que ce soit mais prudence était mère de sureté. Fort heureusement pour la blonde, il n’avait pas ce pouvoir – pas encore.
L’admnisitration devait déjà composer avec la disparition d’Arkann alors qu’elle venait de s’occuper des procédures qu’avait engendrées l’assassinat de Nichols, dont il était lui aussi responsable. Le Hongrois en avait bien conscience, la directrice aborderait les quotas lors de leur entretien. Occire la non-sorcière n’était donc pas une option.
Lorsqu’il rentra dans sa chambre, la jeune fille dormait, ou tout au moins feignait de dormir. Certain que l’actrice usait de ses fabuleux talents de comédienne, il s’approcha d’elle et, à quelques centimètres de son oreille lui susurra
Tiens-toi à carreau ou tu le regretteras amèrement, crois-moi.
Sans un regard de plus, le noiraud sortit. Les infirmiers de l’étage avait reçu l’ordre de laisser la blonde vaquer à ses occupations habituelles. Elle n’était plus confinée. A voir ce qu’elle ferait de sa « liberté » retrouvée. Le nécromancien s’engouffra dans le taxi qui venait d’arriver. Sous une neige tombant à pattes, il quitta Lómilendë.