Penché sur un caveau dans l'allée située à l'extrême est, soit en bordure de la forêt limitrophe du cimetière, la silhouette courbée de Leopold Gulliwer. Silencieux et en apparence recueilli, il vient tout juste de s’agenouiller devant la pierre tombale.
Nulle âme en vie à des kilomètres à la ronde, hormis celle d'un second personnage, qui observe, non-loin, presque invisible, dressé sous les derniers arbres à la lisière du bois. Le doyen de l'ILHEE ne semble pas conscient de sa présence à un jet de pierre tout au plus. Mais lorsque la voix du mystérieux protagoniste s'élève, à la fois distante, autoritaire, implacable, Gulliwer ne parait nullement surpris.
- Hast Du was über sie erfahren können? Ist sie im Schloss überhaupt? Kannst Du vielleicht meine Vermutung in eine Überzeugung umwandeln?
D'interminables secondes s'écoulent avant qu'enfin ne raisonnent les mots de Gulliwer en réponse à ceux de la figure entourée d'ombre. - Es ging bloss um ihn. Ob Sie zu Recht denken, dass die Tochter wegen der Mutter in Lomilendë weilt kann ich nicht bestätigen. Es gab kein einziges Zeichen in diese Richtung. Solch ein Geheimnis lässt sich aber natürlich nicht so einfach lüften, das wissen Sie besser als ich.
Un silence, presque oppressant, s'installe derechef entre la silhouette agenouillée de Leopold et celle droite comme un i du type, toujours immobile, à bonne distance sous le couvert de la ramure des arbres.
- Einverstanden. Es kann auf Eile verzichtet werden, soweit das Endergebnis gewährleistet ist. Mache einfach weiter planmässig. Oh, übrigens...
L'inconnu interrompit son discours le temps d'extraire de son manteau un rouleau de parchemin scellé, inséré dans un tube cylindrique en verre, d'apparence plutôt solide. Il balança l'objet en direction de Gulliwer et ne manqua sa cible que de peu.
-Das ist noch ein kleines Weihnachtsgeschenk für den Amerikaner. Sag ihm nicht woher das kommt und nimm es nicht für dich, es ist für ihn allein bestimmt und entsprechend gesichert. Wir sehen uns in ein paar Monaten. Viel Erfolg, Gulliwer.
Une bourrasque de vent particulièrement violente balaya Marilcrow, arrachant à Leopold un juron. L'instant qui suivit, plus nulle trace du type qui avait dialogué avec l'élémentaliste dans sa langue natale. Le quiqua récupéra alors le récipient contenant le parchemin scellé - il se trouvait à 15 cm de lui tout au plus -, puis se redressa, époussetant ses genoux maculés de neige.
Le doyen ausculta l'objet qu'il avait entre les mains, le regard illuminé par l'envie. Pourtant, l'artefact ne lui était pas destiné et il le savait pertinemment.
Finalement, Leopold rangea l’objet dans un sac à dos qu’il avait pris la peine d’emmener avec lui. Il trouverait bien un moyen de le faire parvenir à l'Amargànt. Le plus sûr serait assurément de le lui remettre à l'occasion des cours qu'il lui dispenserait en privé avant son examen. S'il était vrai que cette année, le père Noël aurait du retard dans la distribution du cadeau destiné à Arkann, force était aussi de constater que pour une fois, il se montrerait extrêmement généreux.
Arpentant les chemins du cimetière en sens inverse pour se diriger vers la sortie, le doyen de l’ILHEE était soulagé à l’idée de savoir qu’il n’aurait pas à remettre les pieds à Lomilendë avant près de 6 mois. Son interlocuteur ne lui avait assigné aucune mission ni communiqué aucun ordre allant dans ce sens, il aurait donc un temps de répi pour planifier la suite des évènements.
En deux jours, Gulliwer avait par deux fois fait le trajet entre la capitale du Royaume-Uni et l’Irlande. Il en avait par dessus la tête, et n’ambitionnait désormais plus qu’une chose : passer des fêtes de fin d’année complètement débridées en compagnie des membres de sa communauté.
Refermant le portail qui libérait l’accès sur Marilcrow, Leopold s’employa à faire une fois de plus pivoter autour de son majeur l’anneau d’argent dont jamais il ne se séparait, avant d’embarquer dans le véhicule qui devait le ramener à l’aéroport de Dublin.